Comment le Japon a influencé la scène cocktail ?
Depuis le renouveau du cocktail aux États-Unis, le barman japonais est devenu un objet de fascination. Pour des raisons essentiellement linguistiques, la culture cocktail s’était assez peu répandue hors de l’île. Mais l’émergence d’une nouvelle génération de bartenders, polyglottes, dans les années 2000, a permis au monde entier de connaître et apprécier des techniques et des outils de bar qu’ils ont peaufinés depuis plusieurs siècles.
Aujourd’hui, il est possible de trouver tout ou partie de leur savoir-faire dans certains bars à travers le monde.
Mais qu’est-ce qui définit exactement le style japonais ? La réponse englobe plusieurs éléments qui commencent dès la conception du cocktail, en passant par les outils, le service et, bien sûr la technique.
L’histoire du cocktail au Japon
Alors que les États-Unis connaissent leur âge d’or du cocktail en 1880, au même moment de l’autre côté du Pacifique, le Japon est dans son ère « Meiji ». Une période où le pays se transforme d’une société féodale isolée, à une nation moderne. La culture des cocktails est arrivée à cette période au Japon. Et alors que la prohibition a stoppé nette la scène cocktail aux États-Unis, celle-ci a continué à prospérer au Japon.
Pour un cocktail, que signifie le style japonais ?
Pour nous guider dans cette quête, Amaury Guyot, fondateur du bar Sherry Butt à Paris qui s’est inspiré du bar japonais pour ouvrir son établissement : « Le Sherry Butt n’est pas axé entièrement sur le style Japonais. J’ai emprunté essentiellement des techniques. Le cocktail au Japon, c’est tout un cérémonial ! Tout est codifié. Leur matériel est top. Rien que leur verrerie peut atteindre 50 euros pour un verre, et plus de 100 euros pour un shaker ! Et côté service, c’est un monde à part.
Le consommateur, pour entrer dans un bar à cocktail au Japon, paie un droit d’entrée entre 5 et 15 euros, juste pour pouvoir s’asseoir ! Pour les cocktails, les prix varient entre 12 et 25 euros le cocktail. Ce sont les tarifs des bars de palace en France. Or en France, tu ne paies pas ton entrée en plus ! ».
Si le style japonais n’est pas gravé dans le marbre, certains traits ressortent pour le définir. Au niveau des saveurs, alors que les cocktails occidentaux peuvent monter vers des choses puissantes, les cocktails japonais jouent sur une maitrise parfaite de l’équilibre. L’hospitalité et le service sont considérés comme aussi important que le cocktail lui-même. Les bartenders sont là pour prendre soin des clients, sans les importuner, peu importe le niveau de fréquentation du bar.
Les outils du bar japonais
Aussi étranges que fascinants, les outils que nous associons aujourd’hui à la scène du bar japonais sont quasiment tous de conception… occidentale !
Lors de l’ouverture du Japon au monde pendant l’ère Meiji, les ambassadeurs eurent pour consigne de rapporter le maximum de produits et outils représentant la culture occidentale. Le cocktail n’a pas échappé à cela. Les Japonais se les sont appropriés en les faisant évoluer pour les rendre plus précis et plus ergonomiques.
Amaury Guyot a importé tout son matériel du Japon : « ils ont le meilleur matériel disponible sur le marché ! Point ! Aujourd’hui, on trouve des copies qui ressemblent fortement aux produits japonais, mais qui ne sont pas à la hauteur. Le matériel japonais aujourd’hui est le top du top ! 99% des bars français travaillent avec un speed shaker. C’est-à-dire 2 timbales en acier qui ne s’emboîtent pas bien, et qui ne se maintiennent pas non plus très bien fermées. Avant les Japonais, personne n’avait vraiment étudié la question de fabriquer du matériel premium sans que cela ne coûte un bras, même si les prix sont forcément plus élevés ».
Les techniques issues du bar japonais
Le style japonais est un véritable artisanat qui s’est perfectionné depuis plusieurs siècles. Du fait de son exigence et de sa recherche constante de perfection, la scène du bar japonaise a mis au point différents rituels et techniques :
Le Highball
Ne vous laissez pas piéger par son apparente simplicité. Même si le highball ne nécessite que 2 ingrédients, son élaboration requiert un haut niveau de préparation et d’expertise.
Le highball est une boisson rafraîchissante et faiblement alcoolisée où l’on mélange un spiritueux, sur lequel on va délicatement venir déposer un mixer gazeux.
Tout est pris en compte : la mesure exacte de spiritueux bien sûr. Mais aussi la façon de préserver les bulles dans le mixer en faisant couler celui-ci le long d’une cuillère de bar pour éviter que les bulles ne viennent s’écraser sur la glace. Même la température du spiritueux et du mixer est surveillée pour ne pas diluer la glace trop rapidement.

Exemple : Le Toki Highball
- Remplir un grand verre de glaçon
- Verser 4 cl de whisky Toki
- Mélanger avec une cuillère de bar le whisky et les glaçons pour bien refroidir le verre
- Ajouter des glaçons puis verser délicatement 12 cl d’eau pétillante le long de la paroi du verre
- Remuer une dernière fois délicatement pour avoir une température homogénéisée dans le verre.
- Ajouter un zeste d’agrume au choix (citron ou pamplemousse par exemple) en garnish

Le hardshake
S’il existe différentes façons de shaker un cocktail, le « hard shake » (shake dur en anglais) est sûrement l’un des plus documentés. Cette technique a été développée par Uyeda du Tender Bar à Tokyo. Elle est conçue pour mettre à profit la méthode du shake de façon optimale en mélangeant efficacement les ingrédients sans trop diluer la boisson. Cette méthode nécessite de l’entraînement pour arriver à la maîtriser parfaitement :
Le travail de la glace
Quand beaucoup de bartenders se sont intéressés au rôle de la glace dans l’élaboration d’un cocktail, la scène japonaise l’a élevé au rang d’art : le savoir-faire japonais au niveau du travail de la glace atteint des sommets. La glace est choisie pour aller spécifiquement avec chaque cocktail, mais également au niveau de la sculpture de la glace réalisée à la main. La précision peut être poussée jusqu’à utiliser différentes températures de glace dans un seul cocktail pour obtenir le résultat souhaité.
Les exemples les plus connus sont le « Tokyo Kaikan style » qui consiste à mettre un cube de glace dans un cocktail servi dans une coupe de champagne, ou encore la découpe de la glace en forme de diamant (Diamond-Cut) qui obéit à un objectif tout autant technique que fonctionnel. À partir d’un bloc de glace cristallin, et à l’aide d’un couteau de cuisine japonais, elle consiste à créer un bloc de glace ayant la forme d’un diamant de 24 facettes qui pourra prendre place dans un old fashioned par exemple.
L’apport du Japon à la scène cocktail
Que ce soit par des techniques de bar, des outils plus précis, ou encore un service orienté consommateur, l’apport du japon sur la scène cocktail est discret, mais bel et bien présent. Si ce n’est pas encore le cas de votre établissement, peut-être vous laisserez-vous tenter d’essayer certaines des idées évoquées dans cet article ! Pour aller plus loin, BeMixo propose un service online personnalisé et offert pour aider votre établissement à se développer et prendre le virage de la cocktailisation. Pour en savoir plus, rendez-vous sur : https://bemixo.com/coaching/
3 bars à tester
À Tokyo, le High Five

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5 Chome−4−15 Efflore Ginza5 Bldg, B1F
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